Une expérimentation d’atelier d’écriture d’audiodescription

Fin septembre 2021, le Réseau Médiation Cinéma de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Passeurs d’Images, le Grac, l’Acrira et l’association Ciné Sens organisaient une journée de formation sur le potentiel de l’audiodescription en matière de médiation cinéma. Marie Diagne animait cette journée à Voreppe.

L’heure est maintenant à l’expérimentation ! Et nous souhaitons partager ici les éléments imaginés pour ce dispositif et les commenter grâce aux témoignages de ses participants.

Sous l’impulsion de l’Acrira et du dispositif Passeurs d’Images Rhône-Alpes a été mis en place un nouveau format d’atelier, format condensé visant à embarquer des jeunes pendant le temps scolaire, pour une découverte de l’audiodescription, par l’écriture et l’enregistrement d’une version audiodécrite d’un très court-métrage.
Cet article s’inscrit dans la continuité de la démarche de sensibilisation et de formation à la médiation autour de la version audiodécrite d’un film. L’idée est de pouvoir partager des expériences qui consolident l’envie de mettre en place des actions de médiation et de découverte du cinéma à partir de l’audiodescription.

Format de l’atelier :

  • Atelier de 6 h (3 x 2h)
  • A partir d’un très court-métrage de 2’18’’ (999 de Vincent Leplat), choisi dans le catalogue de L’Extra-Court (Agence du Court-Métrage).
  • Mené conjointement dans deux classes différentes du Lycée Pablo Neruda (enseignement professionnel et général) de St-Martin d’Hères (Isère).
  • En partenariat avec le cinéma Mon Ciné de St-Martin d’Hères.
  • Piloté par l’Acrira (à travers les coordinations régionales Passeurs d’Images et Lycéens et Apprentis au Cinéma) qui a conçu le projet et a notamment fourni l’appui technique lors de la phase d’enregistrement et de montage.
  • Animé par Sandrine Dias, auteure d’audiodescription avec une bonne connaissance des actions de médiation au cinéma et collaboratrice de Ciné Sens.
  • Encadré par le professeur de français (Hélène Tilleman et Olivier Marin ) et un comédien du Théâtre du Réel (Mathilde Vieux-Pernon et Lucas Bernardi) pour chaque classe.

Résultat attendu : produire une ou plusieurs versions audiodécrites du très court-métrage, qui seront montrées en avant-programme de prochaines séances de Lycéens et Apprentis au Cinéma et Passeurs d’images.

Objectifs :

  • Tester le concept et le format en vue d’un élargissement de cette proposition dans le cadre des dispositifs d’éducation aux images
  • Observer l’engagement des jeunes dans l’exercice proposé
  • Concevoir et tester les outils techniques et évaluer leur maniabilité pour des utilisateurs non avertis

Il était intéressant de pouvoir mener cette expérience avec deux groupes d’élèves de profils différents permettant de comparer leur réactions et productions.
L’une des classes rassemblait 14 élèves, dont une seule fille (2nde Professionnelle, en formation de chaudronnerie) et l’atelier était intégré au cours de français. L’autre groupe était composé de 8 élèves, uniquement des filles (2nde Générale) qui s’étaient portées volontaires sur leur temps libre pour participer à cet atelier.
Les enseignants de ces deux classes étaient très impliqués dans la préparation et l’accompagnement de cet atelier et participent par ailleurs au programme Lycéens et Apprentis au cinéma avec leurs classes.
Deux comédiens du Théâtre du Réel, qui interviennent déjà dans ce lycée pour diverses actions de médiation, ont également accompagné ces ateliers.

Regardons de plus près la composition des sessions.


Session 1 Découverte express de l’AD, du très court-métrage et démarrage de l’écriture
Avec une classe, la découverte a pris 1/2h, puis le démarrage de l’écriture a permis d’aborder des questions de principe qui étaient soulevées à partir d’exemples concrets.
Avec l’autre classe, la partie découverte s’est prolongée sur 1h30 car les questions de principe sont venues lors de cette phase, permettant de se lancer ensuite dans l’écriture avec une approche un peu plus approfondie.
Les comédiens intervenants ont abordé la notion de relation entre le corps et la voix, ou de la place de la voix dans le son d’un film. Il et elle ont également contribué à la compréhension de certaines scènes en apportant leur vision.

Session 2 Écriture de la version audiodécrite
Les différentes personnes encadrant l’atelier (auteure, enseignant, comédien.ne, médiatrice de Passeurs d’Images) se sont réparties auprès des sous-groupes formés pour cette phase et ont pu répondre à leurs questions et accompagner leur progression dans l’écriture du texte de l’audiodescription.

Session 3 Enregistrement de la version AD sur le film
Film projeté dans la salle de cinéma.
Micro installé face à l’écran dans la salle et relié à un ordinateur pour enregistrer la voix de l’audiodescription.
Le son enregistré sera ensuite monté sur l’image et mixé au son du film sur Final Cut pro.

Observations :

Si ce n’était pas parfait, comme souvent lors d’une phase de test, l’appréciation globale des divers participants est très positive.
La participation des jeunes a confirmé leur intérêt. Pour certains des élèves, l’appropriation de l’exercice relevait d’un vrai défi, par rapport aux questions de lecture, d’élocution, de vocabulaire, d’expression orale et écrite, etc…

Les enseignants ont souligné leur satisfaction : ce projet leur a permis d’aborder des notions de français, de parler de texte, de langue, de production écrite dans un contexte différent et motivant pour les élèves.

On était dans une configuration certes expérimentale mais très favorable :

  • Bon contexte
  • Bon encadrement
  • Préparation de qualité

Dans ce cadre, le test a montré qu’il était possible de mener à bien cet atelier dans le cadre horaire condensé des 6 heures.

L’étape suivante fixée avec Passeurs d’Images consiste à organiser ce type d’atelier hors temps scolaire avec une transposition à prévoir pour un encadrement équivalent à celui du lycée, à choisir parmi les différentes configurations d’accompagnement des activités hors temps scolaire.

A moyen terme, une fois ces deux expériences engrangées, il s’agit de voir comment élargir les propositions d’atelier avec un encadrement adapté aux deux contextes – scolaire et hors scolaire – et avec des médiateurs cinémas formés et autonomes.

Dans les deux cas, le travail de transmission des observations de ce test et d’accompagnement de nouveaux intervenants formés sera essentiel.

Nous sommes en train de recueillir les témoignages de divers participants qui viendront compléter cet article.

Sandrine Dias, auteure d’audiodescription et animatrice de cet atelier :

“Lorsque que j’ai été sollicitée pour animer cet atelier, j’avoue avoir éprouver quelques réserves quant à son déroulement. La configuration annoncée (3 x 2h) me semblait représenter une trop grande contrainte de temps. Mais après discussion avec les organisateurs pour définir les contours et objectifs de l’atelier, j’ai alors envisagé ce projet comme une nouvelle expérimentation professionnelle, voire comme un défi personnel.

Face à l’enthousiasme général et grâce à l’implication des organisateurs, des enseignants et des comédiens encadrants, le défi a été relevé. L’objet n’était pas de réaliser un travail de type « professionnel », mais il s’agissait avant tout de sensibiliser des lycéens et lycéennes à un procédé de transmission du cinéma.

Grâce à cet atelier « pratique » ils ont ainsi eu la possibilité de s’immerger dans une discipline nouvelle et de découvrir un métier permettant, en premier lieu, de rendre accessible un film aux personnes déficientes visuelles, mais permettant aussi de se confronter à des questions de cinéma précises et concrètes (la question de la mise en scène, la place de la bande sonore, le choix du vocabulaire pour la description). Le travail d’audiodescription réalisé par les jeunes, de l’écriture à l’enregistrement du texte, a été sans nul doute source de satisfaction et de valorisation pour chacun et chacune, participants et encadrants.”

Amaury Piotin, coordinateur Rhône-Alpes du dispositif Passeurs d’Images à l’Acrira :
“Le projet mené à Saint-Martin d’Hères autour de l’audiodescription s’inscrivait dans le plan de relance des dispositifs d’éducation aux images lancé fin 2020 par le CNC. Le caractère expérimental du travail imaginé avec Sandrine Dias – et posé dès le départ dans notre demande de financement – nous a permis d’envisager ces ateliers avec l’enthousiasme et les craintes des « premières fois ». Au final, nous tirons un bilan extrêmement positif de cette action, tant au regard des retours des élèves et des professeurs, mais aussi, à la vue du résultat, des versions audiodécrites, d’une qualité que l’on n’aurait pas forcément soupçonnée au départ. Les objectifs sont donc parfaitement atteints à ce jour, et nous travaillons d’ores et déjà à la suite du projet : un nouvel atelier sur le même modèle avec un groupe de jeunes hors du temps scolaire, en partenariat avec le Service Jeunesse de Saint-Martin d’Hères, puis la réalisation d’une capsule vidéo qui sera diffusée en avant-programme de certaines séances en plein air organisées dans le cadre de Passeurs d’Images cet été, et de quelques séances de Lycéens et Apprentis au Cinéma dès la rentrée prochaine. Les spectateurs pourront alors découvrir deux versions audiodécrites du film 999 de Vincent Leplat, réalisées dans le cadre de notre projet, sans les images, puis le film original. Il est à noter que nous aurions aimé faire un lien avec les publics mal voyants ou atteints de cécité pendant les ateliers, mais ce volet de l’action n’a pas pu être exploré, faute de temps. Ce sera sans nul doute pour la prochaine fois…”

Enseignants :

Olivier Marin,

“Je mène des projets cinéma (notamment avec Mme Tilleman) depuis une quinzaine d’années : analyse de séquences, construction de story-board, réalisation de plans respectant les règles du cinéma, création de courts-métrages (avec Tommy Redolfi), participation à Lycéens et Apprentis au Cinéma et au Festival de Comédie de l’Alpe d’Huez… Proposer aux élèves de la section professionnelle (ici, des chaudronniers) une nouvelle expérience en lien avec le cinéma me paraissait donc très opportun. D’autre part, la durée du projet (3 x 2 heures), l’apport d’un matériel extérieur (ordinateurs, micros, table de mixage…), et la présence d’une professionnelle de l’audiodescription et d’un comédien (Théâtre du Réel) apparaissaient comme de réels avantages. Et la dernière séance à Mon Ciné permettait de sortir les élèves du cadre pédagogique habituel.

Retrouvez l’intégralité du témoignage d’Olivier Marin sur cette synthèse : Atelier AD témoignages 2022 

Elèves :

Comment pourriez-vous expliquer les objectifs de l’audiodescription ?

Benjamin : Décrire un film pour personnes malvoyantes.
Paul : Pour moi, les objectifs de l’audiodescription qu’on a fait, c’est aider les personnes malvoyantes à comprendre précisément les images et actions qui défilent.
Marine : les principales qualités pour de l’audiodescription sont le fait de décrire précisément un film, un court métrage pour que les malvoyants puissent comprendre et voir ce qu’il y a à l’écran.
Pierre : les objectifs de l’audiodescription sont de pouvoir expliquer une scène, un film pour les mal-voyants ou aveugles pour qu’ils puissent comprendre sans forcément voir.

Selon vous, quelle(s) qualité(s) est(sont) nécessaire(s) dans le travail d’audiodescription ?

Benjamin : L’articulation, car il faut bien parler pour que la personne qui écoute le film comprenne ce que l’on dit. Concentration : pour pouvoir faire des phrases simples et compréhensibles.
Paul : il faut de l’imagination, savoir s’exprimer, avoir la notion du temps, la confiance.
Marine : l’écriture, la diction/l’articulation, l’interprétation.
Pierre : pour moi les qualités nécessaires dans le travail d’audiodescription sont la précision et bien parler pour que les spectateurs puissent bien comprendre au bon moment.

Retrouvez l’intégralité des témoignages des élèves sur cette synthèse : Atelier AD témoignages 2022