Le cinéma pour tous au Majestic : séances et activités adaptées
Du 14 au 17 novembre 2024, Compiègne accueillera un événement original : le festival “Un nouveau regard sur l’inclusion”. Cet évènement organisé par l’association Nouba, en partenariat avec le cinéma Majestic, propose des séances accessibles aux spectateurs déficients visuels avec des films en audiodescription (AD) et des activités inclusives.
Pendant quatre jours, le public pourra profiter de projections de films avec audiodescription, de discussions thématiques à partir des films et d’ateliers interactifs. Toutes les informations concernant ces propositions sont disponibles en cliquant sur le lien ci-dessous, donnant accès à la programmation complète.
- L’association Nouba : https://nouba-asso.fr/Bienvenue/
- Cinéma Le Majestic : Cinéma Majestic Compiègne à JAUX
- Programme Festival Un nouveau regard sur l’inclusion
Témoignages des organisateurs de ce festival
Ciné Sens a eu l’opportunité d’échanger avec l’un des organisateurs de ce festival. Ce témoignage sera complété prochainement par celui d’autres protagonistes du festival.
Questions à Isabelle Teste-Davenne, cinéphile déficiente visuelle, co-fondatrice de l’association Nouba :
Pouvez-vous nous expliquer l’origine du festival et ce qui vous a motivé à l’organiser à Compiègne ?
Isabelle Teste-Davenne : Je suis cinéphile et passionnée par tout ce qui touche à l’art en général. Quand j’étais petite, j’allais souvent au cinéma, même quand il n’y avait pas d’audiodescription. Mais, lorsqu’elle est arrivée, j’ai enfin pu y aller seule, ce qui a été une vraie libération. Et c’est en allant au cinéma plusieurs fois seule que j’ai pris conscience qu’il y avait une certaine ignorance autour de l’accessibilité du cinéma pour les personnes malvoyantes ou aveugles. Beaucoup de gens ne comprenait pas pourquoi les malvoyants ou les aveugles venaient au cinéma. C’est alors qu’avec mon mari, on a eu l’idée d’organiser ce festival à Compiègne, accessible à tous, pour mieux comprendre la place des spectateurs déficients visuels au cinéma. On allait beaucoup au cinéma Mqjestic et on a trouvé que c’était un endroit idéal pour créer un événement qui offre une autre approche du monde. Nous voulions ouvrir les esprits des gens et montrer une autre façon de percevoir les films, notamment à travers l’audiodescription.
Comment s’est construit le partenariat entre l’association Nouba et le cinéma Le Majestic pour cet événement ?
Comme je l’ai mentionné, je fréquente beaucoup ce cinéma, car il propose depuis plus de 10 ans des films en audiodescription. Ils sont vraiment bien équipés, avec de nombreux boîtiers à disposition. En plus de cela, ils organisent régulièrement des événements, comme les dimanches matin. Ils font des journées Princesse, où l’on retrouve des films spécialement adaptés pour les enfants, ou des séances pour les personnes en situation de handicap intellectuel…. C’est un cinéma très engagé et inclusif, ce qui a naturellement facilité la collaboration avec l’association Nouba pour organiser cet événement.
Quels sont les principaux défis rencontrés dans l’organisation d’un festival inclusif ?
Les défis étaient nombreux. L’un des plus grands était l’organisation des réunions avec l’équipe du cinéma et les membres de l’association car nos emplois du temps ne collaient pas. Et le cinéma a eu pendant une période des problèmes techniques sur son matériel d’accessibilité. On a donc eu au départ des problèmes techniques et logistiques. Ensuite, le second défi majeur était la programmation. Nous avons beaucoup discuté pour parvenir à un accord sur les films à projeter. Il fallait obtenir les droits de diffusion, et également s’assurer que les films disposaient de versions adaptées. Par ailleurs, nous voulions que notre festival soit un peu différent. Souvent, dans un festival, il y a un prix à attribuer, mais nous, nous voulions proposer quelque chose de plus inclusif. C’est pourquoi nous avons décidé d’ajouter des ateliers et nous avons développé des idées originales pour enrichir l’expérience du festival.
Quels critères avez-vous pris en compte pour sélectionner les films et activités du programme ?
Nous avons d’abord commencé par établir une programmation de films. Une fois celle-ci définie, nous avons réfléchi aux activités qui pouvaient accompagner les projections. Tout d’abord, nous avons créé un parcours sensoriel, où les cinq sens seront sollicités. Ce parcours se fera en grande partie dans le noir pour vraiment immerger les participants. Ensuite, nous avons organisé différents ateliers en lien avec les films, chaque atelier mettant en avant un sens spécifique. Par exemple, avant la projection du film Les Parfums de Grégory Magne, nous avons proposé un atelier sur les parfums, pour prolonger l’expérience sensorielle autour de l’odorat.
L’audiodescription est un aspect central de l’inclusion dans ce festival. Comment avez-vous travaillé pour intégrer cet outil dans les projections ?
Nous avons fait nos recherches sur l’existence des audiodescriptions à partir de DVDs. Les nôtres et ceux que l’on a pu acheter dans un magasin culturel qui nous a permis d’enlever l’antivol avant l’achat pour vérifier l’existence de l’AD. Les étiquettes antivols sont placées sur la partie qui indique si le DVD possède ou non l’audiodescription. Pas pratique… Une fois le choix fait sur DVD, il fallait vérifier si l’audiodescription était disponible aussi sur le format DCP du film, pour pouvoir les projeter en salle. On a donc contacté les distributeurs de films. Mais parfois, l’AD existe sur le DVD mais pas sur le format DCP du film. Par exemple, The Artist, qui est un film muet, a une audiodescription excellente, mais il est impossible de l’obtenir en DCP pour les projections en salle. Nous avons parfois rencontré d’autres obstacles comme la disponibilité des droits de diffusion.
Pouvez-vous nous parler des invités qui participeront aux échanges, notamment Raphaëlle Valenti et Kelly Morellon ?
J’écoute beaucoup d’audiodescription et je suis inscrite au Panel d’évaluation de l’audiodescription. Je cherchais une personne spécialisée dans ce domaine pour le festival, et un jour, Raphaëlle Valenti s’est présentée. À l’origine, nous avions contacté l’équipe qui a réalisée l’audio description du film Le Règne Animal présenté en ouverture, mais ils ne pouvaient pas se déplacer. Ils nous ont tout de même envoyé une petite vidéo pour présenter leur travail. Ensuite, Raphaëlle Valenti s’est manifestée et c’était une belle opportunité. Elle a remporté deux fois le prix Marius de l’audiodescription, et elle est comédienne de voix. Kelly Morellon, quant à elle, est la présidente de l’association Main dans la Main. Elle sera présente pour promouvoir la langue des signes et sensibiliser davantage à cette cause.
Y a-t-il des ateliers ou des activités interactives spécifiques que vous recommanderiez particulièrement aux visiteurs ?
Alors, tout d’abord, il y a le parcours sensoriel, qui est vraiment intéressant, je trouve. Il est accessible à tous et c’est vraiment ludique. Grâce à cet atelier, on peut montrer que tout est possible. Ensuite, il y a de nombreux autres ateliers liés à un sens. Par exemple, après la projection du film « Délicieux » de Éric Besnard, il y aura un ciné-échange avec Raphaëlle Valenti, suivi d’une dégustation de vin. Nous avons aussi un ciné-échange avec Kelly Morellon autour de la langue des signes après la projection de On est fait pour s’entendre de Pascal Elbé. Il y a également l’atelier parfum, dont on a déjà parlé. Et surtout, le dimanche est une journée super, consacrée aux enfants et aux familles, avec des ateliers ludiques, des projections adaptées pour les enfants. C’est difficile de conseiller un atelier en particulier, je pense qu’il faut vraiment essayer tout ce qui est proposé. Mais si je devais en recommander deux, ce serait le parcours sensoriel et la journée du dimanche, qui est vraiment idéale pour les familles.
Comment envisagez-vous l’évolution de ce festival dans les années à venir ? Y a-t-il des projets d’extension ou de renouvellement ?
Il s’agit là de la première édition de ce festival, et nous aimerions beaucoup le voir perdurer dans les années à venir, en proposant différentes thématiques. Bien sûr, notre objectif est de faire grandir le projet, pour qu’il devienne plus visible et ait un impact plus large. Mais, pour l’instant, rien n’est encore définitivement prévu. Nous allons faire cette première édition d’abord.
Quel message aimeriez-vous partager avec ceux qui envisagent de participer à cet événement ?
Je les encourage à venir pour ouvrir leur esprit, découvrir l’audiodescription et vivre un moment de partage dans la bonne humeur. Ce sera l’occasion pour eux de découvrir un aspect de leur monde qu’ils ne connaissent peut-être pas encore.
Quels sont les projets futurs que l’association NOUBA souhaite développer pour continuer à promouvoir l’inclusion culturelle ?
Nos projets ? Nous en avons énormément ! Nous organisons déjà des dîners dans le noir. Actuellement, nous travaillons également sur un projet de lecture dans le noir, en collaboration avec des médiathèques. Nous continuons aussi d’organiser des séances de cinéma hebdomadaires avec audiodescription. Ensuite l’un de nos grands objectifs est de pérenniser le festival. Et il y a aussi un projet ambitieux : nous aimerions créer des maisons témoins où tout serait conçu pour être accessible. Ce serait un lieu symbolique de l’inclusion, un endroit où l’on pourrait être libre et autonome.
Vous avez participé à ce festival et souhaitez partager votre témoignage. Ecrivez-nous à contact@cine-sens.fr