festival Un nouveau regard sur l'inclusion

FESTIVAL “UN NOUVEAU REGARD SUR L’INCLUSION” A COMPIEGNE

Le cinéma pour tous au Majestic : séances et activités adaptées

Du 14 au 17 novembre 2024, Compiègne accueillera un événement original : le festival “Un nouveau regard sur l’inclusion”. Cet évènement organisé par l’association Nouba, en partenariat avec le cinéma Majestic, propose des séances accessibles aux spectateurs déficients visuels avec des films en audiodescription (AD) et des activités inclusives.

Pendant quatre jours, le public pourra profiter de projections de films avec audiodescription, de discussions thématiques à partir des films et d’ateliers interactifs. Toutes les informations concernant ces propositions sont disponibles en cliquant sur le lien ci-dessous, donnant accès à la programmation complète.

 Témoignages des organisateurs de ce festival

Ciné Sens a eu l’opportunité d’échanger avec l’un des organisateurs de ce festival. Ce témoignage sera complété prochainement par celui d’autres protagonistes du festival.

 

Questions à Isabelle Teste-Davenne, cinéphile déficiente visuelle, co-fondatrice de l’association Nouba :

Pouvez-vous nous expliquer l’origine du festival et ce qui vous a motivé à l’organiser à Compiègne ?

Isabelle Teste-Davenne : Je suis cinéphile et passionnée par tout ce qui touche à l’art en général. Quand j’étais petite, j’allais souvent au cinéma, même quand il n’y avait pas d’audiodescription. Mais, lorsqu’elle est arrivée, j’ai enfin pu y aller seule, ce qui a été une vraie libération. Et c’est en allant au cinéma plusieurs fois seule que j’ai pris conscience qu’il y avait une certaine ignorance autour de l’accessibilité du cinéma pour les personnes malvoyantes ou aveugles. Beaucoup de gens ne comprenait pas pourquoi les malvoyants ou les aveugles venaient au cinéma. C’est alors qu’avec mon mari, on a eu l’idée d’organiser ce festival à Compiègne, accessible à tous, pour mieux comprendre la place des spectateurs déficients visuels au cinéma. On allait beaucoup au cinéma Mqjestic et on a trouvé que c’était un endroit idéal pour créer un événement qui offre une autre approche du monde. Nous voulions ouvrir les esprits des gens et montrer une autre façon de percevoir les films, notamment à travers l’audiodescription.

Comment s’est construit le partenariat entre l’association Nouba et le cinéma Le Majestic pour cet événement ?

Comme je l’ai mentionné, je fréquente beaucoup ce cinéma, car il propose depuis plus de 10 ans des films en audiodescription. Ils sont vraiment bien équipés, avec de nombreux boîtiers à disposition. En plus de cela, ils organisent régulièrement des événements, comme les dimanches matin. Ils font des journées Princesse, où l’on retrouve des films spécialement adaptés pour les enfants, ou des séances pour les personnes en situation de handicap intellectuel…. C’est un cinéma très engagé et inclusif, ce qui a naturellement facilité la collaboration avec l’association Nouba pour organiser cet événement.

Quels sont les principaux défis rencontrés dans l’organisation d’un festival inclusif ?

Les défis étaient nombreux. L’un des plus grands était l’organisation des réunions avec l’équipe du cinéma et les membres de l’association car nos emplois du temps ne collaient pas. Et le cinéma a eu pendant une période des problèmes techniques sur son matériel d’accessibilité. On a donc eu au départ des problèmes techniques et logistiques. Ensuite, le second défi majeur était la programmation. Nous avons beaucoup discuté pour parvenir à un accord sur les films à projeter. Il fallait obtenir les droits de diffusion, et également s’assurer que les films disposaient de versions adaptées. Par ailleurs, nous voulions que notre festival soit un peu différent. Souvent, dans un festival, il y a un prix à attribuer, mais nous, nous voulions proposer quelque chose de plus inclusif. C’est pourquoi nous avons décidé d’ajouter des ateliers et nous avons développé des idées originales pour enrichir l’expérience du festival.

Quels critères avez-vous pris en compte pour sélectionner les films et activités du programme ?

Nous avons d’abord commencé par établir une programmation de films. Une fois celle-ci définie, nous avons réfléchi aux activités qui pouvaient accompagner les projections. Tout d’abord, nous avons créé un parcours sensoriel, où les cinq sens seront sollicités. Ce parcours se fera en grande partie dans le noir pour vraiment immerger les participants. Ensuite, nous avons organisé différents ateliers en lien avec les films, chaque atelier mettant en avant un sens spécifique. Par exemple, avant la projection du film Les Parfums de Grégory Magne, nous avons proposé un atelier sur les parfums, pour prolonger l’expérience sensorielle autour de l’odorat.

L’audiodescription est un aspect central de l’inclusion dans ce festival. Comment avez-vous travaillé pour intégrer cet outil dans les projections ?

Nous avons fait nos recherches sur l’existence des audiodescriptions à partir de DVDs. Les nôtres et ceux que l’on a pu acheter dans un magasin culturel qui nous a permis d’enlever l’antivol avant l’achat pour vérifier l’existence de l’AD. Les étiquettes antivols sont placées sur la partie qui indique si le DVD possède ou non l’audiodescription. Pas pratique… Une fois le choix fait sur DVD, il fallait vérifier si l’audiodescription était disponible aussi sur le format DCP du film, pour pouvoir les projeter en salle. On a donc contacté les distributeurs de films. Mais parfois, l’AD existe sur le DVD mais pas sur le format DCP du film. Par exemple, The Artist, qui est un film muet, a une audiodescription excellente, mais il est impossible de l’obtenir en DCP pour les projections en salle. Nous avons parfois rencontré d’autres obstacles comme la disponibilité des droits de diffusion.

Pouvez-vous nous parler des invités qui participeront aux échanges, notamment Raphaëlle Valenti et Kelly Morellon ?

J’écoute beaucoup d’audiodescription et je suis inscrite au Panel d’évaluation de l’audiodescription. Je cherchais une personne spécialisée dans ce domaine pour le festival, et un jour, Raphaëlle Valenti s’est présentée. À l’origine, nous avions contacté l’équipe qui a réalisée l’audio description du film Le Règne Animal présenté en ouverture, mais ils ne pouvaient pas se déplacer. Ils nous ont tout de même envoyé une petite vidéo pour présenter leur travail. Ensuite, Raphaëlle Valenti s’est manifestée et c’était une belle opportunité. Elle a remporté deux fois le prix Marius de l’audiodescription, et elle est comédienne de voix. Kelly Morellon, quant à elle, est la présidente de l’association Main dans la Main. Elle sera présente pour promouvoir la langue des signes et sensibiliser davantage à cette cause.

Y a-t-il des ateliers ou des activités interactives spécifiques que vous recommanderiez particulièrement aux visiteurs ?

Alors, tout d’abord, il y a le parcours sensoriel, qui est vraiment intéressant, je trouve. Il est accessible à tous et c’est vraiment ludique. Grâce à cet atelier, on peut montrer que tout est possible. Ensuite, il y a de nombreux autres ateliers liés à un sens. Par exemple, après la projection du film « Délicieux » de Éric Besnard, il y aura un ciné-échange avec Raphaëlle Valenti, suivi d’une dégustation de vin. Nous avons aussi un ciné-échange avec Kelly Morellon autour de la langue des signes après la projection de On est fait pour s’entendre de Pascal Elbé. Il y a également l’atelier parfum, dont on a déjà parlé. Et surtout, le dimanche est une journée super, consacrée aux enfants et aux familles, avec des ateliers ludiques, des projections adaptées pour les enfants. C’est difficile de conseiller un atelier en particulier, je pense qu’il faut vraiment essayer tout ce qui est proposé. Mais si je devais en recommander deux, ce serait le parcours sensoriel et la journée du dimanche, qui est vraiment idéale pour les familles.

Comment envisagez-vous l’évolution de ce festival dans les années à venir ? Y a-t-il des projets d’extension ou de renouvellement ?

Il s’agit là de la première édition de ce festival, et nous aimerions beaucoup le voir perdurer dans les années à venir, en proposant différentes thématiques. Bien sûr, notre objectif est de faire grandir le projet, pour qu’il devienne plus visible et ait un impact plus large. Mais, pour l’instant, rien n’est encore définitivement prévu. Nous allons faire cette première édition d’abord.

Quel message aimeriez-vous partager avec ceux qui envisagent de participer à cet événement ?

Je les encourage à venir pour ouvrir leur esprit, découvrir l’audiodescription et vivre un moment de partage dans la bonne humeur. Ce sera l’occasion pour eux de découvrir un aspect de leur monde qu’ils ne connaissent peut-être pas encore.

Quels sont les projets futurs que l’association NOUBA souhaite développer pour continuer à promouvoir l’inclusion culturelle ?

Nos projets ? Nous en avons énormément ! Nous organisons déjà des dîners dans le noir. Actuellement, nous travaillons également sur un projet de lecture dans le noir, en collaboration avec des médiathèques. Nous continuons aussi d’organiser des séances de cinéma hebdomadaires avec audiodescription. Ensuite l’un de nos grands objectifs est de pérenniser le festival. Et il y a aussi un projet ambitieux : nous aimerions créer des maisons témoins où tout serait conçu pour être accessible. Ce serait un lieu symbolique de l’inclusion, un endroit où l’on pourrait être libre et autonome.

Vous avez participé à ce festival et souhaitez partager votre témoignage. Ecrivez-nous à contact@cine-sens.fr

Parcours de séances accessibles

L’équipe de Ciné Sens s’est rendue durant plusieurs mois dans de nombreux cinémas de Lyon et sa région afin de tester des séances accessibles. Ainsi, pendant ces sorties cinéma, nous avons eu l’occasion d’appréhender toutes les problématiques et les réussites de ces expériences.

Nous nous sommes également déplacées en France afin d’expérimenter l’accessibilité des cinémas. Des liens renvoient aux articles du site pour les villes de Paris (Repérages de cinémas accessibles à Paris – Ciné-Sens (cine-sens.fr) et Nantes (Repérages de cinémas accessibles à Nantes – Ciné-Sens (cine-sens.fr).

Carte représentant les cinémas que nous avons visités à Lyon

Carte représentant les cinémas que nous avons visité dans la métropole de Lyon

Nous avons répertorié 34 séances de cinéma au total, réparties dans 27 cinémas différents.
Sur 27 cinémas, 21 sont accessibles aux spectateurs déficients sensoriels, soit 77,8%. Cela signifie que ces cinémas sont adaptés au minimum à une déficience sensorielle, permettant aux personnes concernées de bénéficier de séances en Audiodescription, en Son Renforcé ou en SME. En revanche, 22,2% des cinémas ne sont pas réellement accessibles. Cela signifie qu’ils ne permettent pas aux personnes déficientes sensorielles d’accéder à ces séances adaptés. Cette inaccessibilité peut être due à du matériel défectueux ou en panne, ou au fait que le cinéma dispose de l’équipement nécessaire, mais que le personnel n’est pas formé, ainsi ne le distribue pas correctement ou donne de mauvaises informations.

Le visionnage des films s’est fait soit en audiodescription soit avec les sous-titres sourds et malentendants via plusieurs dispositifs. On retrouve des applications (Twavox, Greta, VAST, CDM Caption …) ou des dispositifs internes au cinéma (Fidelio ou les sous titres à l’écran).

 

Schémas représentant le nombre de cinémas accessibles en pourcentages

 

La communication sur l’accessibilité

Pour débuter, nous avons recensé les cinémas proposant des séances accessibles en consultant leurs sites internet, afin de vérifier s’ils fournissaient des informations préalables sur leur accessibilité pour les spectateurs déficients sensoriels.
Lorsqu’il n’y avait aucune communication en ligne sur leur accessibilité, nous avons contacté les cinémas par e-mail ou téléphone.

Parmi les 27 cinémas visités, 18 (soit 66,7%) diffusent en ligne des indications sur leur accessibilité. Cependant, 5 autres cinémas, bien que ne communiquant pas sur internet, sont également accessibles, représentant 18,5%. Dans ces cas, les informations d’accessibilité se trouvent généralement sur place : dans les programmes ou sur les affichages.

schémas pourcentage des cinémas qui communiquent sur leur site internet: Sur 27 cinémas, 18 affichent des indications sur leur accessibilité en ligne, soit 66,7%. 5 autres cinémas, bien que ne communiquant pas sur internet, sont également accessibles, soit 18,5%.

Parmi les 18 cinémas annonçant leur accessibilité, 4 ont présenté des problèmes sur place, soit 22,2%. Ces incidents sont souvent dus à une mauvaise communication interne : les informations ne sont pas correctement relayées et le personnel n’est pas informé sur l’existence et le fonctionnement de l’audiodescription. Il nous a été impossible de tester le matériel indiqué sur le site car le personnel, mal informé, affirmait que la version AD n’existait pas.
Un autre problème rencontré concerne les indications sur le site internet, qui diffèrent de celles sur place. Par exemple, le matériel mentionné sur le site du cinéma n’était pas le même que celui disponible sur place, ou il manquait des précisions sur son fonctionnement ou son état de maintenance.

Nos observations révèlent que sur les 27 cinémas visités, 14 disposaient d’une communication efficace sur leur accessibilité avant d’arriver pour les séances, soit 51,8% des cinémas, ce qui nous a permis d’étudier et de répertorier leurs pratiques. Pour ceux intéressés par des ressources supplémentaires sur ce sujet, nous avons créé un document :«Guide de communication: Mon cinéma accessible », consultable via le lien suivant : Communiquer sur l’accessibilité d’un cinéma ? – Ciné-Sens (cine-sens.fr)

Nos visites et nos séances

Nous avons fait 4 séances en ST-SME à l’écran où nous n’avons pas rencontré de problème.

Nous avons assisté ou souhaité assister à 30 séances avec audiodescription.

Nous avons répertorié 34 séances de cinéma au total réparties dans 27 cinémas différents.

Sur ces 34 séances :

  • 24 ont fonctionné, peu importe le matériel utilisé, soit 70,6% des séances.
  • 10 ont rencontré un problème soit 29,4% des séances dont 7 à cause d’un dysfonctionnement du matériel et 3 à cause d’un manque de communication parmi le personnel.
Schéma pourcentage de séance qui ont fonctionné ou pas : Sur 34 séances de cinéma 24 ont fonctionné soit 70,6% et 10 n’ont pas marché soit 29,4%

Sur la base de 34 séances accessibles testées :

Sur ces 27 cinémas :

  • 4 ne sont pas accessibles une fois sur place à cause du matériel soit 14,8% et 2 à cause d’un manque de communication soit 7,4%.
  • 21 qui sont accessibles soit 77,8% des cinémas.

Le matériel

Nous avons pu tester plusieurs types de matériels dans les cinémas :

  • Du matériel interne au cinéma avec Fidelio ou encore Sennheiser
  • Des applications liées au cinéma comme Twavox, AudioPoint,
  • Des applications externes au cinéma avec Greta ou Movie reading VAST.

Le système Fidelio n’est dorénavant plus maintenu mais continue tout de même de fonctionner dans certains cinémas. Il s’agit du matériel que nous avons le plus utilisé avec 16 séances dont 1 où le matériel n’a pas fonctionné et 3 où le matériel était présent dans le cinéma mais à cause d’un manque d’information ou de renseignement du personnel, nous n’avons pas pu avoir accès au boitier.

Les problèmes majeurs que nous avons rencontrés sont arrivés avec l’utilisation d’application liées au cinéma. En effet, avec 8 séances réalisées avec ces dernières, il y en a eu 5 où l’audiodescription ou les sous-titres ne fonctionnaient pas ou il y a eu des coupures dans l’écoute ou la lecture.

Sur 3 séances réalisées avec des applications externes, il y a en eu seulement 1 où les sous-titres étaient décalés. Nous gardons tout de même une bonne expérience avec ce mode de fonctionnement. Il faut tout de même faire attention car les résultats ne sont pas identiques selon le téléphone que l’on utilise.

Tableau récapitulatif du matériel que nous avons croisé durant nos séances

Malgré tout, nous remarquons que dans certains cinémas, le personnel est engagé pour que l’expérience se déroule dans de bonnes conditions. D’autant plus lorsqu’une personne du cinéma vient dans la salle au début du film pour s’assurer du bon fonctionnement du matériel. De plus, une fois, lorsque nous n’arrivions pas à faire fonctionner l’application, le directeur est venu nous aider.

Pour plus d’explications à propos du matériel voici le lien vers un article du site : Rendre les cinémas accessibles – Ciné-Sens (cine-sens.fr). Vous retrouverez également une explication du matériel utilisé dans chaque fiche cinéma mises à disposition ci-dessous.

 

Les Fiches Odyciné

À la suite de toutes ces visites et ces séances, nous avons créé des fiches qui regroupent toutes les informations relatives à notre venue au cinéma : sa communication en amont et sur place, son matériel et notre expérience.

image extraite d'une fiche "Odyciné" ensemble de pictogrammes résumant les systèmes (matériel, site internet, caisse...) que possèdent le cinéma

image extraite d’une fiche Odyciné

 

N’hésitez pas à suivre ce lien Dans les cinemas afin de voir toutes les fiches que nous avons réalisées.

D’autres fiches seront mises à disposition à l’avenir.

Si vous souhaitez organiser une visite pour une séance adaptée dans votre cinéma, contactez l’équipe de Ciné Sens sur contact@cine-sens.fr

Devanture du Cinématographe

Repérages de cinémas accessibles à Nantes

Dans le cadre d’une journée à Nantes, le vendredi 16 mars 2024 nous avons visité différents cinémas afin d’observer leurs solutions d’accessibilité sensorielles.

Le Cinématographe : lieu inclusif et de rencontre

Devanture du Cinématographe

Nous nous sommes rendues au Cinématographe une salle de cinéma associative qui se distingue par son engagement en faveur de l’accueil pour toutes et pour tous. L’équipe est profondément investie dans l’amélioration d’accueil pour toutes et pour tous et manifeste une réelle volonté de faire avancer les choses.
Sur place, nous avons rencontré Simon Hindié chargé des publics et référent handicap et Julia Hervouët projectionniste pour échanger sur leurs pratiques mises en place.

Communication et séances adaptées

Le Cinématographe offre des séances adaptées en fournissant des services tels que l’audiodescription avec le système Fidelio et des boucles magnétiques pour les personnes malentendantes.
En ce qui concerne les séances en sous-titrage SME, deux approches sont adoptées. Elles sont programmées de manière systématique lorsque le film est projeté à plusieurs reprises, et sont également disponibles sur demande, offrant ainsi une flexibilité maximale aux spectateurs.

Pour informer le public sur les séances adaptées, le cinéma utilise efficacement son site internet où ces séances sont mises en avant. De plus, une newsletter dédiée est envoyée à des structures qui servent de relais au sein de leur réseau, touchant ainsi les individus et les spectateurs réguliers.

Tout d’abord, en ce qui concerne la communication sur place, plusieurs initiatives sont mises en place. Des affichettes sont visibles à l’extérieur du cinéma, apposées sur les portes devant l’entrée, pour annoncer les systèmes d’accessibilité proposés.

Affichette renfort sonore sur la porte d'entrée du Cinématographe

Ensuite, à l’accueil, un livret comprenant la programmation ainsi que des informations sur le cinéma et son accessibilité est disponible. De plus, pour répondre aux besoins spécifiques, un document en braille ainsi qu’un document en caractères agrandis reprenant le programme sont proposés. Des stickers représentant les pictogrammes adaptés sont également collés en face des films sur la programmation papier affichée dans le hall du cinéma en plus du balisage sur le programme en lui-même. Enfin, un support de présentation du cinéma en format facile à lire et à comprendre est également accessible.

Témoignages

Découvrez leurs témoignages dans la vidéo ci-dessous.

Un Court-Métrage en LSF au Cinématographe

Une cinquantaine de personnes qui signent regroupées dans la rue devant le Cinématographe

Après avoir été présenté dans d’autres villes telles que Toulouse, Lyon et Paris, le Cinématographe a également accueilli, le 17 mars dernier, une projection du court-métrage “Des signes qui blessent” d’Enzo Serripierri en présence du réalisateur. Cette séance a été suivie d’un échange animé de questions-réponses avec le public. Deux interprètes étaient présents pour traduire les échanges aux personnes entendantes.

Le court-métrage, d’une durée de 23 minutes, nous plonge dans le parcours tourmenté de Chloé, une jeune fille sourde dont l’enfance a été marquée par la violence psychologique de son propre père. « Cette histoire traite du harcèlement moral dont sont victimes des milliers d’enfants à travers le monde. » Les dialogues se déroulent intimèrent en langue des signes françaises, accompagnées de sous-titres pour assurer la compréhension des non-initiés à la LSF. Pour découvrir un avant-goût du film, vous pouvez visionner la bande-annonce en suivant ce lien :
Les signes qui blessent teaser Français (youtube.com)
Ce projet a vu le jour grâce au soutien de l’association toulousaine Illumination Studio, qui a apporté une précieuse aide à la réalisation du film. Cette association se dédie à la production de courts métrages en soutenant les personnes sourdes aspirant à travailler dans l’industrie cinématographique. Avec des équipes entièrement composées de professionnels sourds, dont des réalisateurs, des acteurs et des cadreurs…”Des Signes Qui Blessent” marque le troisième court métrage produit par cette association, témoignant de son engagement continu envers l’inclusion et la promotion des talents sourds dans le monde du cinéma. Pour plus d’informations sur cette association, nous vous invitons à visiter leur site internet via le lien suivant :
Illumination Studio – Production audiovisuelle et cinématographique (illumination-studio.fr)
L’événement a brillamment atteint son objectif, avec une salle quasiment complète. La majorité des spectateurs appartenaient à la communauté sourde. Une dizaine de personnes entendantes étaient également présentes, témoignant ainsi de l’engagement et de l’intérêt partagés pour la cause abordée.

Echange avec le réalisateur, Enzo Serripierri

le réalisateur, Enzo Serripierri assis dans la salle de cinéma du Cinématographe

Nous avons eu l’occasion de discuter avec le réalisateur, Enzo Serripierri à propos de son premier court métrage, “Des Signes Qui Blessent”.

Ciné Sens :
Comment percevez vous votre relation avec le cinéma et les films ?

Enzo Serripierri : Depuis mon enfance, j’ai toujours eu un penchant pour les films
Disney. Cependant, étant donné qu’ils sont principalement diffusés en français sans
sous-titres, j’ai souvent dû me contenter de films étrangers sous-titrés qui ne me
passionnaient pas vraiment. Malgré cela, j’étais un passionné amateur de cinéma et je
fréquentais régulièrement les salles de cinéma en famille le weekend. Heureusement,
je constate une amélioration de l’accessibilité par rapport aux années 90, mais il reste
encore beaucoup à faire. Les cinémas devraient offrir davantage d’options pour les
personnes sourdes, telles que des séances sous-titrées, même pour les films français
et les Disney.

CS : Quel est votre parcours dans le domaine cinématographique ?

ES : Je n’ai jamais suivi de formation en cinéma ; j’ai étudié les mathéma6ques à
Toulouse. Cependant, les cours étaient traduits en langue des signes seulement 10 %
du temps, ce qui rendait la compréhension difficile. C’est pour cette raison que j’ai
décidé de changer de cap et de me tourner vers des études pour devenir professeur
de langue des signes en milieu scolaire. Bien que je sois passionné par le cinéma, je n’ai
jamais fait d’études dans ce domaine. Dépourvu d’expérience et de compétences dans
ce domaine, je me demandais comment je pourrais concrétiser la réalisation d’un
court-métrage.

CS : Comment avez-vous découvert Illumination Studio ? Aviez-vous déjà connaissance
de leur existence auparavant ?

ES : Après avoir écrit le scénario de “Des signes qui blessent” et désirant le concré6ser,
je cherchais une direction à prendre. Peu m’importait que l’équipe soit composée de
personnes sourdes ou entendantes. J’ai découvert l’association grâce à un ami,
ignorant totalement son existence jusqu’alors, et j’ai décidé de me lancer avec eux en
2022. Ce sujet me tenait vraiment à cœur pour briser les tabous et sensibiliser sur
l’impact du harcèlement familial sur le développement des enfants. Je constate que
cette problématique est encore largement méconnue au sein de la communauté
sourde, contrairement à celle des entendants.

CS : Quels sont vos projets pour le futur ?

ES : Mon ambition est de poursuivre la réalisation de courts métrages. J’aimerais
notamment aborder le thème d’un couple mixte, où l’un est sourd et l’autre
entendante. Je crois qu’il est crucial de mettre en lumière que les personnes sourdes
ont une culture propre, ce qui peut parfois créer des chocs culturels lorsqu’elles
rencontrent des personnes entendantes de façon proche.

Dans Nantes

vous pouvez retrouvez les autres cinémas que nous sommes allées visiter sur la carte ci-dessous :

Pour plus d’informations sur les spécificités des différents cinémas suivez nos guides d’accessibilité, disponibles prochainement sur notre site.

deux coordinateurs de l'enquête: Anna Rita Galiano, directrice de l’unité de recherche DIPHE, et Caroline Pigeon, docteure en neuropsychologie,

étude Homère sur la déficience visuelle

Données du projet Homère autour de l’audiodescription, l’accès à l’information numérique et l’accès à la culture

L’étude Homère a produit des données sur la déficience visuelle qui peuvent être intéressantes à consulter pour les professionnels de la filière cinéma. Ces données permettent en effet de mieux connaitre les habitudes des personnes déficientes visuelles. Elle peuvent aider à réfléchir sur les pratiques professionnelles en matière de cinéma dans une démarche d’inclusion. Rencontre avec deux coordinatrices de l’étude Homère.

Logo de l'Etude Homère

Le projet Homère, co-réalisé par les laboratoires de recherche DIPHE (Développement, Individu, Processus, Handicap, Education) de l’Université Lumière Lyon 2 et CHArt (Cognitions Humaine et Artificielle) avec l’équipe THIM (Technologies, Handicaps, Interfaces, Multimodalités) de l’Université Paris 8, est une étude scientifique globale sur l’état de la déficience visuelle en France métropolitaine.

Cette étude vise à « mieux connaître les personnes déficientes visuelles et à saisir leurs difficultés au quotidien, pour aider à mieux cibler les aides en fonction de leurs différents profils » via une démarche collaborative, participative et notamment, un questionnaire multi-thématiques destiné aux personnes concernées par la déficience visuelle.
(source : https://www.univ-lyon2.fr/recherche/actualites/projet-homere-etude-globale-sur-letat-de-la-deficience-visuelle-en-france?pk_campaign=homere-rechdefvisuelle&pk_source=Lettreauxpersos20210930&pk_medium=Actus20210930)

Débuté en janvier 2021 et publié en janvier 2023, le projet Homère vise plus particulièrement à « disposer de données et de constats étayés concernant les problématiques rencontrées par les personnes déficientes visuelles et leur entourage, mais aussi les ressources de proximité qu’elles mobilisent pour gagner leur autonomie et mener leur vie ».

Ensemble des associations ayant porté le projet (de gauche à droite) : Association Nationale des
Parents d'Enfants Aveugles, Association Valentin Haüy, Fédération des Aveugles et Amblyopes de
France, Fédération Française des Associations de Chiens guides d'aveugles, Groupement des
Associations Partenaires d'Action Sociale, Institut National des Jeunes Aveugles, Association
Départementale des Pupilles de l'Enseignement Public du Rhône et de la Métropole de Lyon, RETINA
France, Voir Ensemble.

Témoignages

Ciné Sens a eu l’occasion de rencontrer deux des coordinatrices de cette enquête, Anna Rita Galiano, directrice de l’unité de recherche DIPHE, et Caroline Pigeon, docteure en neuropsychologie, afin d’échanger autour des données récoltées concernant l’accès à la culture, mais aussi l’accès à l’information et au numérique, et la place de l’audiodescription.

Ciné Sens : Quel a été le déclencheur du projet Homère ?

Caroline Pigeon : C’est le collectif associatif (voir ci-dessus) qui a fait le constat, lorsqu’il va défendre les droits des personnes qu’il représente, d’un manque de données objectives à grande échelle et actualisées sur la ou les déficiences visuelles et les thématiques qui importent aux personnes concernées. Le consortium de recherche, incluant le laboratoire DIPHE, a répondu à un appel d’offre pour mener cette enquête. L’une des conditions étant que l’enquête devait être réalisée selon une démarche participative, c’est-à-dire, en prenant en compte l’avis des personnes concernées dans tout le déroulement de l’étude. 

Cet appel d’offre a été ouvert au niveau national par ce collectif d’associations portées sur la déficience visuelle. Celles-ci voulaient financer et participer à une enquête sur la vie quotidienne des déficients visuels en France.

Anna Rita Galiano : Ce sont des associations qui ont souhaité mettre en place ce projet de recherche, d’où cet appel d’offre. Il y a eu deux ou trois candidatures et nous avons été retenus pour mener cette enquête. C’était vraiment déjà ciblé sur une enquête nationale sur la déficience visuelle qui couvre un peu tous les âges de la vie. Dans un premier temps, il y avait aussi le souhait d’aller réaliser l’enquête en territoires d’outre-mer, mais ce qui n’a pas été possible sur le moment. Nous nous sommes vraiment centrés sur la France métropolitaine pour l’instant.

C. P. : Un des intérêts de cette étude, c’est que les questions posées importent vraiment pour les personnes concernées. En effet, nous les avons définies en travaillant avec elles en plusieurs phases. Nous avons posé tout un tas de questions sur diverses thématiques (la scolarité, la santé, la vie sexuelle, l’accès aux loisirs, etc) à plein de personnes différentes. L’idée pour plus tard, c’est de procéder, à partir des données récoltées, à des analyses transversales : par exemple, est-ce que la mobilité impacte l’accès aux loisirs ? Dans le rapport, tout est très descriptif, thème par thème. Il y a quelques analyses croisées mais qui restent légères car nous avons produit le rapport dans un temps record. L’idée serait que ce travail prenne plus la forme d’une publication scientifique, en fonction de notre temps et si peut-être d’autres équipes s’ajoutent au projet.

A. R. G. : Tout le monde peut disposer du rapport avec les données ; nous avons ensuite la possibilité d’aller un peu plus en profondeur dans l’analyse, pour voir si d’autres liens peuvent être tressés entre différentes problématiques. L’idée, c’est que les associations puissent se saisir des résultats pour aller justifier et appuyer les demandes faites en matière de politiques publiques, avec des données fiables. Nous n’intervenons donc pas directement dans cette valorisation. Nous sommes quand même impliqués, mais ce n’est pas nous qui allons défendre des demandes auprès d’un ministère par exemple…

Ciné Sens : Vous vous êtes lancés dans une démarche scientifique pour produire des données et les sécuriser…

A. R. G. : Oui, avec l’objectif, pour la suite du projet, de mettre en place un observatoire sur la déficience visuelle. Ce qui veut dire que nous, scientifiques, allons travailler avec les structures, les associations, les personnes concernées directement par la déficience visuelle, pour qu’ensemble, nous puissions exploiter ces données.

C.R. : Et les compléter au besoin sur certaines thématiques.

Ciné Sens : Quelle a été l’approche adoptée pour établir ce questionnaire ?

C.R. : D’abord, nous sommes un peu partis de la littérature et notamment d’un outil existant : MHAVIE est un questionnaire identifiant les difficultés qu’une personne peut avoir dans toutes les composantes de la vie. Deux parties y sont abordées (les « activités courantes » et les « rôles sociaux ») dans lesquelles se regroupent des thématiques spécifiques autour des habitudes de vie. Cet outil consiste en une mesure de participation sociale qui découle du Modèle de développement humain — Processus de production du handicap (MDH — PPH), conceptualisé par l’anthropologue Patrick Fougeyrollas.
Le MDH — PPH postule que le handicap est la résultante de l’interaction entre les capacités personnelles de la personne et son environnement.

schémas de l'outil : MHAVIE

C.R. : Nous avons ensuite, à partir de ces éléments, envoyé un questionnaire en ligne à des personnes que nous avons identifiées comme contributeurs, soit déficients visuels, soit proches ou professionnels du médico-social. Nous avions quelques chercheurs spécifiques mais ce n’était vraiment pas l’idée d’interroger des chercheurs, nous voulions des personnes du terrain. Nous leur avons demandé si toutes ces thématiques et sous-thématiques étaient complètes et s’ils pouvaient en rajouter. Cela nous a permis de faire des grilles d’entretien pour des groupes de discussion à l’intérieur desquels étaient abordées à chaque fois trois thématiques.
Dans ces groupes de discussions, nous avons demandé aux participants d’identifier quelles thématiques et questions pouvaient être intéressantes à poser dans le cadre d’une enquête sur la déficience visuelle. De là, nous avons rédigé des questions qu’on leur a envoyées pour qu’ils puissent nous donner une note de pertinence pour chaque question. Ils pouvaient aussi proposer des reformulations et des précisions s’ils estimaient que des questions n’étaient pas assez claires, ce qui nous a permis d’établir un questionnaire plus resserré.
Ensuite, une petite commission avec les représentants des associations nous a également aidé à resserrer davantage, avec une réflexion sur l’aspect éthique des questions par exemple.

Les données de l’étude Homère

L’enquête est à retrouver sur : https://etude-homere.org/

Infographie des résultats de l’étude Homère (PDF) : https://etude-homere.org/wp-content/uploads/2023/05/infographie-etude-Homere-final-access.pdf

Synthèse de l’étude Homère (PDF) : https://etude-homere.org/wp-content/uploads/2023/05/8-pages-Homere-final-access.pdf

Manifeste Observatoire déficience visuelle Colloque étude Homère (PDF) : https://etude-homere.org/wp-content/uploads/2023/05/Manifeste-Observatoire-deficience-visuelle-7-fevrier-2023-Colloque-etude-Homere.pdf

L’accès à la culture et la sortie cinéma

Parmi les différentes sections de l’étude Homère, Ciné Sens s’est particulièrement intéressé au sous-chapitre portant sur l’accès à la culture. Il fait partie d’un chapitre intitulé Sport, loisirs et culture. Ciné Sens a essayer de rassembler les données qui pouvaient avoir du sens dans une réflexion sur la sortie cinéma.

Pour aller plus loin dans ces données, vous pouvez consulter les documents PDF suivants.

L’accès à l’information et au numérique https://www.cine-sens.fr/wp-content/uploads/2024/03/Lacces-a-linformation-et-au-numerique.pdf
L’audiodescription https://www.cine-sens.fr/wp-content/uploads/2024/03/Laudiodescription.pdf
L’accès à la culture et la sortie cinémahttps://www.cine-sens.fr/wp-content/uploads/2024/03/Lacces-a-la-culturela-sortie-cinema.pdf

Guichet du Brady avec une personne achetant un ticket.

Repérages de cinémas accessibles à Paris

Le Brady, cinéma indépendant parisien, offre un aperçu du système AudioEverywhere

Dans le cadre d’une journée à Paris, le mercredi 21 février 2024 nous avons visité différents cinémas afin d’observer leurs solutions d’accessibilité sensorielles.

Nous nous sommes rendues au Brady, un cinéma d’art et d’essai indépendant. Sur place, nous avons rencontré Maeva Coquet, employée polyvalente au Brady (médiatrice jeune public, caisse, projection, création des cartons d’accessibilité). Nous avons échangé avec elle sur leur dispositif d’accessibilité sensorielle : le système Audio Everywhere et CDM Caption. Ils sont équipés depuis 2020.
Voici le lien du cinéma: Accueil | Cinéma Paris – Le Brady     

Le choix de ce matériel a été privilégié car le cinéma travaille avec CDS (Cine Digital service) pour l’équipement de projection, groupe qui a développé le système AudioEverywhere et CDM Caption. Il était donc plus simple de passer par le même interlocuteur. Le cinéma n’a pas d’accessibilité PMR mais une troisième salle en construction sera accessible.  

Coté programmation, le Brady est un cinéma de continuation qui programme dans le sillage de l’UGC des Halles. Ainsi, une fois que les films ne sont plus à l’affiche aux Halles, le Brady ainsi que l’Archipel, un cinéma à proximité, se partagent les films selon les lignes éditoriales de chaque cinéma. Lorsque la programmation est établie, ils vérifient sur le DCP ou sur Cinego les informations d’accessibilité, à la recherche des versions VI et OCAP. Ils peuvent ainsi annoncer les films adaptés sur leur programme hebdomadaire.

Communication

En effet, un bel effort de communication sur le système proposé et sur les versions adaptées est fait par le cinéma. Tout d’abord autour des applications : Il est recommandé pour les spectateurs d’installer ces applications avant la séance. Ensuite sur les films disponibles selon les versions avec un visuel simple et clair, mis à jour chaque semaine.

On retrouve ces informations sur trois supports différents :

  • sur le site internet,
  • affiché à l’entrée du cinéma,
  • projeté dans la salle de cinéma avant le début de la séance.  

Photo à l'intérieur de la salle de cinéma avec le carton d'accessibilité.

Voici un lien PDF avec des exemples de cartons servant de communication : Cartons Le Brady

Dans Paris

Nous avons aussi profité de cette journée pour aller tester d’autres cinémas que vous pouvez voir sur la carte ci-dessous :

Pour plus d’informations sur les spécificités des différents cinémas suivez nos guides d’accessibilité, disponibles prochainement sur notre site.

Interview sur l'audiodescription du film Anatomie d'une chute

ANATOMIE D’UNE CHUTE, LE DÉFI DE L’AUDIODESCRIPTION

Anatomie d’une Chute : un défi de taille relevé par l’équipe de l’audiodescription

Le mercredi 10 janvier nous avons eu le plaisir d’échanger avec trois professionnels de l’audiodescription de la Compagnie Véhicule qui ont travaillé sur le film Anatomie d’une chute.
Grâce à la production des films Pelléas nous avons été mis en contact avec Sabrina Bus de la Compagnie Véhicule et autrice de l’audiodescription qui a souhaité associer à notre interview Delphine Harmel collaboratrice non voyante et Yann Richard ingénieur du son.

 

Anatomie d’une chute de Justine Triet a marqué l’année 2023. En mai il reçoit la palme d’or à Cannes.
En août, à sa sortie en salle en France il rencontre un succès public et les récompenses se multiplient à l’international.
Nous étions intriguées de savoir comment les protagonistes de la version audiodécrite ont relevé les nombreux défis posés par les particularités de ce film : multilingue, bande sonore dense…

 

 

Vous trouverez toutes ces réponses en découvrant l’interview ci-dessous, version sans sous-titres :

Ou en découvrant l’interview dans sa version avec sous-titres :

Extraits

Voici quelques extraits de l’interview :

« Ce que ça m’inspire ce travail c’est de la dentelle, ça exigeait tellement de minutie, de délicatesse. »
Delphine Harmel

« Ecrire l’audiodescription d’un film qui nous a enthousiasmé est parfois plus difficile qu’écrire sur un film qui vous a laissé plus indifférente. »
Sabrina Bus

« C’est très chargé en son, insérer de la voix là-dedans c’était compliqué, techniquement c’est peut-être un des plus dur que j’ai fait. »
Yann Richard

Nous vous invitons à découvrir toutes ces réponses au cœur de cette interview en vous souhaitant une belle découverte.

Interview réalisée et montée par Marie Ferreira et Louise Chevalier, association Ciné Sens.

 

Projection de films expérimentaux par Light Cone “TOUT OUÏE : EXPÉRIMENTER L’AUDIODESCRIPTION”

par Mathilde Collonges

Mardi 18 avril 2023, dans l’une des deux salles du Luminor à Paris. Ce soir-là, une projection de court-métrages expérimentaux est organisée par l’association Light Cone, distributeur de films expérimentaux connu à l’international. La particularité de cette séance ? Elle est dédiée à la découverte de l’audiodescription et met en parallèle les enjeux du cinéma expérimental avec ceux du travail de l’audiodescription.

Mais avant toute chose, comment peut-on définir le cinéma expérimental ?

C’est un cinéma hybride convoquant le concept de l’intermédialité et se détachant des normes du cinéma traditionnel : la narration, la linéarité du récit sont généralement laissés de côté pour faire primer la forme sur le fond et transmettre véritablement une expérience d’ordre sensible. Passant au travers des mécanismes institutionnels, le cinéma expérimental est une pratique artistique plus qu’un genre filmique et à ce titre, n’est pas exploité en salles comme les films narratifs.

C’est pourquoi des associations comme Light Cone se donnent la mission de valoriser et de démocratiser ce cinéma au sein même des salles : la mise en place de projections « SCRATCH » par Light Cone permet notamment de faire découvrir ou redécouvrir des films expérimentaux qui sont majoritairement assez rares :

Les projections « Scratch » représentent l’outil privilégié de LIGHT CONE dans l’activité de promotion du cinéma expérimental. Cette entité de diffusion spécifique favorise l’exploration de l’histoire du cinéma et la visibilité des travaux d’artistes contemporains par le biais de projections régulières à Paris. N’ayant jamais eu de lieu fixe de diffusion, Scratch Projection a toujours pratiqué le nomadisme au sein de la capitale, favorisant ainsi les rencontres et les mélanges de publics.

Light Cone – À propos de Light Cone

C’est dans le cadre de ces projections que l’événement TOUT OUÏE : EXPÉRIMENTER L’AUDIODESCRIPTION a été pensé. En mettant au centre de la programmation de cette séance la pratique de l’audiodescription, chacun des membres du public a été invité à expérimenter sa « vision intérieure », principe phare du cinéma expérimental qui, d’une certaine manière, est proche de l’expérience cinéma de tout spectateur déficient visuel.

Dans la salle du Luminor, l'écran affiche l'intitulé de la projection. Au dessous de lui, les réalisateurs Rose Lowder et Patrick Bokanowski se tiennent aux côtés de Gisèle Rapp-Meichler, présidente de Lightcone.

                Gisèle Rapp-Meichler, présidente de Light Cone, entourée des réalisateurs Rose Lowder et Patrick Bokanowski

Au programme donc, 5 court-métrages dont trois diffusés en audiodescription :

DISQUE 957 de Germaine Dulac (1928)

Disque 957 n’est qu’un petit film dans lequel j’ai cherché à jouer tantôt avec des rythmes, tantôt avec des harmonies suggestives – Il n’y a là aucune prétention, aucune révolution, seulement une recherche de poésie et d’expressions visuelles.” (G.D.)

À PROJETER SUR LE CIEL, LA NUIT de Maurice Lemaître (1979)

“Bricoleur comme toujours, Lemaître crée ce film tout en pellicule transparente, dont le sujet à regarder est le ballet des poussières et des rayures, en noir sur le fond lumineux, comme un négatif « d’étoiles et de galaxies d’images possibles ».” (Jeanne Cousseau)

LA FEMME QUI SE POUDRE de Patrick Bokanowski (1970-1972)

“C’est un film sans sol et qui par conséquent désoriente le spectateur le mieux assis. Si l’on remarque que ces créatures se livrent lentement à des actes que l’on ne comprend pas mais dont on pressent l’épouvantable jeu […], on se dit qu’est à l’œuvre, dans ce film noir, déroutant, la logique du cauchemar.” (Dominique Noguez)

BOUQUETS 1 à 10 de Rose Lowder (1994-1995)

“Structurées dans la caméra lors du « filmage », selon des modalités élaborées progressivement dans mes précédents films, ces recherches se développent pour composer un bouquet filmique d’images cueillies chaque fois dans un même site, à différents moments.” (R.L.)

A SENSE OF PLACE de Tony Hill (2003)

“Sally Goode est aveugle de naissance. Tony Hill l’emmène dans un lieu qu’elle ne connaît pas, et l’enregistre en train de décrire ce qu’elle y découvre par l’ouïe et le toucher. C’est avec beaucoup d’imagination, de légèreté joyeuse et de simplicité d’expression qu’elle livre ses découvertes. Pour faire l’expérience du lieu, les voyants doivent voir à travers ses mains. Des objets que l’on reconnaît normalement du premier coup d’œil, nous deviennent plus étrangers, moins identifiables, lorsqu’ils sont décrits par allusions et sans recours au lexique de la vision.”
Ce film a notamment été conçu pour être projeté dans un cinéma “sans lumière” et il a fait l’objet d’une diffusion dans l’émission de radio américaine “This American Life”.

DISQUE 957, LA FEMME QUI SE POUDRE et BOUQUETS sont les trois films qui ont été projetés avec l’audiodescription : leur restauration récente par le CNC a permis la création de versions adaptées, conformément aux mesures concernant l’amélioration de l’accessibilité, datant de 2020. Les versions audiodécrites ont été respectivement écrites par Laure Morisset, Nathalie Sloan (en collaboration avec Aziz Zogaghi) et Marie Fiore (en collaboration avec Delphine Harmel). Les cinéastes Patrick Bokanowski et Rose Lowder étaient également présents lors de la projection, découvrant ainsi pour la première fois leurs œuvres en audiodescription. La projection de LA FEMME QUI SE POUDRE et BOUQUETS alternait entre écran noir et images afin que les spectateurs voyants fassent eux aussi l’expérience de l’audiodescription. Une discussion a ensuite eu lieu entre les deux réalisateurs présents, les audiodescriptrices, les collaborateurs, et le public.

Qu’est-ce qui différencie une audiodescription d’un film narratif d’une audiodescription d’un film expérimental ?

Alors que l’audiodescription d’un film narratif se concentre sur les actions et les émotions des personnages, les lieux et les situations dans lesquels ils sont amenés à évoluer tout au long d’une intrigue, l’audiodescription d’un film expérimental s’attache plutôt à une retranscription sensible de ce qui est visible dans et par l’image. Laure Morisset, audiodescriptrice sur Disque 957, témoigne de cette difficulté d’intervenir en tant qu’audiodescripteur·rice sur ces films : “Nous ne somme pas dans quelque chose de réaliste : nous sommes vraiment dans du sensible.” Les éléments formels, déjà mis en avant dans l’image, sont présentés dans l’audiodescription selon leur potentiel poétique : un tourne-disque, par l’effet de la lumière, prendra par exemple l’aspect d’un soleil (DISQUE 957) aussi bien aux yeux du spectateur voyant que dans l’esprit du spectateur mal ou non-voyant.

“Il y avait, me semblait-il, beaucoup de matières, d’ombres, de lumières. Alors nous essayons de créer des analogies en parlant d’un cœur ou d’un soleil ; on essaie de créer des images mentales qui puissent être captées. Mais nous restons dans de l’expérience sensible et donc nous n’avons pas de vérité. Comme chaque spectateur, voyant ou non-voyant, se crée son propre film finalement” explique Laure à propos de DISQUE 957.

Photogramme issu de DISQUE 957 : le visage d'une femme est surimprimé sur un disque phonographique

Disque 957 (Germaine Dulac, 1928) © Light Cone

Elle fait cependant remarquer que le texte peut être un peu plus narratif au vu de l’absence de dialogues dans les productions expérimentales : l’écriture de l’audiodescription devient plus spécifique en utilisant d’autres moyens de construction sur le texte.

Aziz Zogaghi, collaborateur déficient visuel sur LA FEMME QUI SE POUDRE note à propos de DISQUE 957 :

“Ce qui est super, c’est que l’on a un mélange tout à la fois entre les éléments géométriques, les éléments visuels, les jeux de lumière, les vitesses… […] Tout ça est assez parlant même si originellement le film est muet : il se passait très bien de son puisque le texte de l’audiodescription avait toute sa place ici pour décrire au mieux, presque image par image.”

Il est notamment revenu sur le travail d’écriture effectué avec Nathalie Sloan et Patrick Bokanowski, 7 ans auparavant, pour LA FEMME QUI SE POUDRE :

“Ce film nous plonge dans un univers qui est complètement surréaliste, avec une musique assez enveloppante, qui saisit. Le film n’aurait eu aucun sens s’il n’y avait eu que cette musique […]. Le fait d’avoir de l’audiodescription donne quand même l’ambiance dans laquelle le film souhaite nous plonger. Ce dont je me rends compte surtout, c’est le travail qui a été fait : l’audiodescription a été écrite il y a 7 ans, et en 7 ans, l’on se rend compte de comment une audiodescription évolue, comment le langage et comment le choix des mots évoluent. Il y a un côté plus littéraire dans les anciennes audiodescriptions et un côté peut-être plus conté finalement, mais en ayant tout de même une description des éléments.”

Photogramme issu de LA FEMME QUI SE POUDRE : trois personnages masqués et informes se tiennent autour d'une longue table en bois

La Femme qui se poudre (Patrick Bokanowski, 1972) © Kira B.M. Films

Si le rythme de film semblait assez fluide grâce à l’échange opéré entre la voix de l’audiodescription et la musique, et aidait à entrer au sein d’un “univers complètement fantasmagorique”, le rythme du film BOUQUETS est, pour Aziz Zogaghi, beaucoup plus saccadé du fait de “l’énumération d’éléments, de couleurs, de fleurs, etc”. En somme, une succession de mots, qui échappait totalement à la description, mais que le réalisateur Patrick Bokanowski par exemple a entendu comme une poésie “qui sortait en même temps que le film”. Sur ce point, Delphine Harmel, collaboratrice déficiente visuelle sur BOUQUETS, est elle aussi plus sensible à la rythmique visuelle du film :

“Je crois que ce qui importe, c’est de se laisser bercer par la musique des mots, qui se répondent parfois : l’image qui s’affole et les herbes folles, des choses comme ça qui sont assez jolies et que j’ai redécouvert car c’est un travail qui a été accompli il y a déjà quelques temps.”

Parmi le public, une spectatrice non-voyante a pu ressentir cette musicalité des mots :

“La rythmique des mots renvoyait justement à cet effet stroboscopique, à ces images que je voyais parfaitement jaillir sur moi, me sauter à la figure, aux yeux, au corps. Cette rythmique textuelle renvoyait complètement à ce que était selon moi l’intention de la réalisatrice.”

Ensemble de photogrammes issus des BOUQUETS : ils représentent des fleurs en plan rapproché

Bouquets 1-10 (Rose Lowder, 1994-1995) © Light Cone

Elle conclue :

“Le cinéma expérimental est sans doute celui qui donne le plus de fil à retordre aux auteurs d’audiodescriptions mais c’est aussi celui qui donne un champ immense de libertés, d’interprétations, de ressentis, de perceptions.”

Finalement, c’est à travers des projections comme celle-ci, qui mêle le cinéma expérimental et l’audiodescription, que peuvent nous êtres ouvertes des interrogations nouvelles quant à l’accessibilité du cinéma, qu’elle soit culturelle ou sensorielle. Et s’il est possible de voir autrement le monde qui nous entoure grâce à ce genre de pratiques, nous ferions mieux de nous y atteler dès lors, afin de nous reconnecter avec notre sensibilité la plus profonde et d’apprendre à mieux appréhender autrui.

Il est possible de prendre rendez-vous afin de visionner ces films avec leurs versions audiodécrites ainsi que d’autres au centre de documentation de Light Cone. Plus d’informations à cette adresse : https://lightcone.org/fr/conditions-d-acces

 

Ce témoignage a été réalisé par Mathilde Collonges, étudiante en cinéma, dont le travail de recherche se concentre sur le cinéma expérimental, dans le cadre de son service civique à Ciné Sens.

Marius de l’audiodescription 2023 : retour d’expérience des autrices des versions audiodécrites nommées

Il y a un mois se tenait la cérémonie du Marius de l’audiodescription 2023 dans la salle de projection du CNC. Parmi les cinq films sélectionnés, c’est la version audiodécrite composée par Katia Lutzkanoff pour La Nuit du 12 réalisé par Dominik Moll qui a été récompensée !

À cette occasion, Ciné Sens s’est entretenu avec 3 des autrices des versions audiodécrites des films en compétition : Katia Lutzkanoff (La Nuit du 12) pour Poly-Son, Meryl Guyard (En corps) pour Hiventy et Émeline Chetaud (Pacifiction : Tourment sur les Îles) pour Titrafilm.

Retour synthétique sur ce processus d’écriture si particulier qu’est l’audiodescription :

Que représente pour vous une cérémonie telle que les Marius ?

Katia Lutzkanoff : Pour moi, cette cérémonie est l’occasion de mettre en lumière ce métier d’auteur que je pratique avec passion. Mais pas seulement. Elle permet de sensibiliser un plus large public à l’audiodescription. Elle donne la possibilité à ceux qui ne sont pas nécessairement auteurs ou relecteurs de donner leur avis sur notre travail et c’est peut-être au final, ce qui importe le plus.

Meryl Guyard : L’occasion de faire connaître l’audiodescription et également de susciter des débats autour de l’écriture de VAD en accord avec les attentes des spectateurs aveugles et déficients visuels.

Émeline Chetaud : Je me réjouis à l’idée que nous soyons tous réunis : public, collaborateurs, auteurs, chargés de projet. Les occasions sont rares.  Les Marius sont une réelle opportunité de parler de notre métier, de le célébrer et également de le défendre. Notre profession souffre encore d’un vide juridique concernant les droits d’auteur. Il serait temps que cela change.

Quel effet cela vous fait-il d’être nommée pour cette édition ?

K.L. : J’en suis très heureuse, même si ce n’était pas une fin en soi. Habitant en province, il n’a pas été facile de trouver une formation, et c’est un peu comme une reconnaissance de mon travail que je qualifierais “d’acharné” pour réussir à me sentir légitime.

M.G. : Le fichier de la VAD qui a été diffusé auprès des jurés n’étant pas le bon, je ne peux pas dire que mon sentiment soit très positif.

É.C. : Je suis extrêmement heureuse d’être nommée pour ce film que j’affectionne particulièrement. Et plus encore de partager cette nomination avec Aziz Zogaghi avec qui j’adore travailler. Le film nous a beaucoup marqués tous les deux. Il offre une expérience cinématographique insolite qui « infuse » et « imprègne » longtemps l’esprit. Le film est étrange, déroutant, long aussi…mais captivant. Il m’a comblée en tant que spectatrice, mais aussi en tant qu’auteure. Il y avait tellement à retranscrire pour incarner l’atmosphère prégnante du film : les personnages, leurs dégaines, les lieux, la nature, le crépuscule, les ambiances sonores etc… Même les crédits interminables du début donnent le ton. Quand le financement est aussi tentaculaire, c’est que le projet est singulier. Être nommée avec un film si personnel, c’est une chance et un privilège !

En tant qu’autrice de versions audiodécrites, comment vous sollicite-t-on afin de réaliser ces versions ? 

K.L. : Je travaille régulièrement avec les mêmes chargé(e)s de production, qui, quand ils quittent une boîte de production pour une autre, me renouvellent leur confiance et me proposent des films à audiodécrire.

M.G. : Ce sont les labos qui me contactent et me proposent un projet. Je suis libre de l’accepter ou non selon le tarif proposé et mes disponibilités. Éventuellement aussi selon le projet.

É.C. : À 95%, les projets nous sont confiés par les laboratoires de postproduction. A quelques rares exceptions, directement par les producteurs. Dans le cas de « Pacifiction », il s’agissait d’une commande classique de la part de Catherine Béranger de chez Titrafilm. Je la remercie encore pour sa confiance.

Comment appréhendez-vous un film avant de vous lancer dans l’écriture de sa VAD (Version Audiodécrite) ? 

K.L. : Je le regarde une fois et je le laisse poser (si j’ai le temps, mais c’est assez souvent le cas). Je le revisite plusieurs fois en pensée avant de me lancer dans le travail d’écriture.

M.G. : Je commence par visionner le film en entier. Si besoin, je fais des recherches (sur une époque, par exemple ; ou encore si le film traite d’un univers précis, nécessitant des connaissances ou un vocabulaire particulier). Pour le film En corps, j’ai fait beaucoup de recherches sur les mouvements de danse classique et contemporaine. Parfois, je me fais une liste de mots et/ou synonymes dans le thème, dans laquelle je peux aller piocher ensuite.

É.C. : La première étape consiste toujours à visionner le film comme une spectatrice lambda, en me laissant porter par l’histoire. Puis, avant de commencer l’écriture, je me renseigne sur le film, le thème abordé, le réalisateur, etc. Au cours de l’écriture, j’effectue souvent des recherches plus approfondies (sur le sujet du film, son lieu géographique, son époque…). Je peux passer des heures à chercher le nom d’un monument que l’on ne verra que 3 secondes à l’écran.

Combien de temps avez-vous pu consacrer à ce travail d’écriture ?

K.L. : Je ne sais plus mais j’ai eu le temps nécessaire. Je fais une quinzaine de minutes de films par jour et une fois le film fini, je laisse encore poser un ou deux jours et je me relis à haute voix en visionnant le film. Et je modifie, je peaufine…

M.G. : Si ma mémoire est bonne je crois que j’avais 3 semaines de délai.

É.C. : J’ai consacré environ une quinzaine de jours à l’écriture.

Combien de temps a pris le travail de relecture ?

K.L. : 5 heures, avec une relectrice non-voyante et le réalisateur Dominik Moll.

M.G. : Une demie journée.

É.C. : La relecture avec Aziz et Lucinda Treutenaere (qui se charge de la vérification voyante chez Titra) s’est faite lors d’une séance classique d’une matinée. Le film est certes long (2h45), mais le travail a été fluide.

Sur quels critères estimez-vous qu’une VAD est réussie ?

K.L. : Avant de le proposer en relecture, je suis satisfaite si je trouve que ma description et la bande son du film se répondent bien. Je suis très attachée à trouver le bon calage du texte pour que la description et le film s’orchestrent comme une partition. En relecture, je suis satisfaite si le non-voyant a compris, s’il a ressenti les émotions que le réalisateur a mis dans son film. Et si le réalisateur me dit que ma description est fidèle à son film.

M.G. : D’abord, une VAD doit se faire oublier, on ne devrait plus “l’entendre”. Elle doit s’intégrer avec discrétion dans les dialogues et les sons d’ambiance. Ensuite, elle doit, bien sûr, permettre de comprendre l’action et en situer les lieux, le moment et les protagonistes (où ? quand ? qui ?). Enfin, elle doit être fidèle à l’atmosphère du film et au plus près du propos du réalisateur (par exemple en adaptant le niveau de langage ou en choisissant certains champs lexicaux pour retranscrire une ambiance).

É.C. : Si le public a « vu » le film ; si les éléments décrits lui inspirent des images, des émotions ; si l’AD s’est fondue dans le film et a su l’accompagner sans le supplanter ou le desservir. 

Pourriez-vous nous citer une scène du film qui a été délicate à audiodécrire ?

K.L. : Souvent les débuts sont délicats pour introduire les personnages. Et la scène de départ à la retraite de Tourancheau était complexe, comme ça l’est toujours quand il y a plusieurs personnages qui parlent en même temps et qui laissent peu de place à la description… Mais souvent quand le film est bon (ce qui est le cas à mon avis ici), il faut lui faire confiance et choisir d’aller à l’essentiel…

M.G. : Toutes les scènes de ballets. En effet, c’est assez compliqué d’être à la fois dans le tempo de la musique tout en décrivant la scène au plus proche de la réalité. On ne peut pas tout dire et il faut conserver une impression de légèreté propre à la danse, tout en étant précis. Autre difficulté : trouver le juste milieu entre les termes techniques (le nom des pas de danse par exemple) et la poésie d’un ballet.

É.C. : J’aurais du mal à en citer une. Le film relevant presque de « l’objet cinématographique non identifié », il était d’emblée une gageure. Pourtant, il ne présentait pas de difficultés « techniques » particulières. Mais Albert Serra faisant le choix d’une narration elliptique, détachée du scénario et de la dramaturgie, il était parfois difficile de savoir exactement « où » et « quand » se situaient les scènes et si elles avaient une continuité. En revanche, il crée des images à fort potentiel narratif. Elles sont toutes chargées de sens. C’est aussi ce qui donne son originalité à l’œuvre et sa modernité. La réelle difficulté était de transmettre la force et la richesse de son imagerie.

Une scène dont vous êtes assez satisfaite ?

K.L. : La Nuit du 12 s’ouvre sur un cycliste qui fait des tours de piste de nuit dans un vélodrome désert. Cette scène est récurrente dans le film. Il faut donc relever les détails pour voir comment elle évoluera en même temps que l’humeur du cycliste qui est l’enquêteur principal, et qui est de plus en plus frustré par son enquête et se défoule sur la piste. J’ai aimé chercher les mots justes pour montrer l’ascension de sa frustration. Je suis aussi assez satisfaite de la scène où l’on découvre pour la première fois le corps sans vie de Clara. J’ai remarqué qu’un insecte lui courait sur la jambe et je trouvais que ça ajoutait au macabre de la scène. Tout était immobile et sans vie et cette petite bête qui lui courait sur la jambe m’a donné des frissons. J’étais contente d’avoir pu la mentionner. Et j’ai constaté en relecture que ça avait fait l’effet que j’escomptais. Car souvent, c’est de trouver le mot juste, un seul mot mais qui percute, ou l’image que l’on va choisir de décrire plutôt qu’une autre qui nous procure cette sensation de satisfaction.

M.G. : Pas de scène en particulier. Je m’attache à être satisfaite du film en entier !

É.C. : Je ne suis jamais satisfaite ! C’est mon grand drame. En tant que spectatrice, j’ai adoré les scènes complètement décalées du Paradise. Mais s’il faut parler « d’efficacité », peut-être la scène de la répétition de danse avec le parallèle du combat de coqs.  

La Nuit du 12

Ciné Sens les a également questionnées individuellement par rapport à une ou plusieurs spécificités du film audiodécrit :

Pour La Nuit du 12 : considérez-vous que la VAD peut apporter une dimension inédite au film d’enquête/au thriller ? En essayant notamment de ne pas en dire plus de ce qui est montré à l’image et de respecter les intentions du réalisateur de ne dévoiler que progressivement les éléments clés de son intrigue ?

K.L. : Oui. Si le spectateur voyant est tenu en haleine par un film d’enquête, la version audio-décrite se doit d’essayer de tenir en haleine son spectateur. L’auteur d’audiodescription doit garder en mémoire sa première impression, lors de son premier visionnage. Et tenter de mettre son spectateur dans le même état que lors de ce premier visionnage. Il faut donc suivre le rythme du film.

Pour En Corps : comment ajuster l’écriture d’une VAD à des scènes de danse afin que le spectateur déficient visuel puisse se projeter mentalement ces mouvements (à la fois pour ce qui est de la danse classique mais aussi de la danse moderne) ? 

M.G. : Comme expliqué au-dessus, il faut, je crois, bien choisir des termes qui font image et aussi laisser des temps pour entendre la musique. L’idéal étant que les deux se mélangent harmonieusement. Surtout ne pas être à contre-temps de la musique.

Pour Pacifiction : en prenant en compte la portée contemplative du film, quelle est la différence que vous avez pu constater en réalisant cette VAD par rapport à des films où la narration est plus concentrée sur une série d’actions par exemple ? Est-ce que la description peut connaitre des limites quant à ce genre de film ?

É.C. : Je n’ai ressenti aucune limite, au contraire, ce genre de film permet à la description de prendre tout son sens. Sans VAD, le film serait complètement dénaturé. Les lieux et les personnages sont tellement hors normes qu’il serait bien difficile de s’en passer. Par exemple, le Paradise, club kitch et interlope, véhicule d’emblée une tension, une étrangeté, un malaise. La VAD permet aussi de souligner le côté très organique du film. La nature y est prépondérante. Sa vitalité et sa puissance sont vraiment mises en valeur dans la bande-son (le vent, la pluie, les vagues…), mais aussi à l’image. La beauté intrinsèque de Tahiti (mer cristalline, couchers de soleil exceptionnels, végétation luxuriante) tranche avec le côté sombre et parfois fantasque de l’histoire. Enfer ou paradis ? Thriller politique ou farce ? Ce n’est jamais très clair. Le titre incarne à lui seul cette forme hybride. Albert Serra développe plusieurs « pistes », sans en privilégier une. Il faut se laisser porter, le voyage vaut le détour.      

Pour rappel, vous pouvez visionner la remise du Marius de l’audiodescription juste ici : 

Ecoutez le message de remerciement de Katia Lutzkanoff à 46:40
Ecoutez le message de Dominik Moll à 49:50

 

Photo prise par Ciné Sens lors de la remise du Marius au CNC 

VIDÉO : Rencontres organisées à l’UNADEV de Lyon avec des spectateurs déficients visuels

Depuis le mois de février, Ciné Sens et l’association UNADEV de Lyon collaborent ensemble sur un projet constitué de rencontres et d’ateliers autour du cinéma. Avec les bénéficiaires de l’UNADEV Lyon, ce cycle de rencontres a été pensé afin de leur donner la parole autour du cinéma.

Dans un premier temps, il a été question d’échanger sur la sortie cinéma telle qu’ils la vivaient : leur organisation pour se rendre à une séance, leurs habitudes de sortie, l’accès à l’information, leurs préférences de salles… Ce temps d’échange, collectif, a été structuré selon des questions ouvertes posées par l’équipe de Ciné Sens et s’est déroulé dans les locaux de l’UNADEV, situé dans le 3ème arrondissement de Lyon. De courtes interviews individuelles ont suivi ce moment, afin que chacun et chacune puisse revenir personnellement sur son expérience et ses habitudes.

A cette occasion, Ciné Sens a filmé et réalisé des pastilles vidéo afin de partager cette parole. L’idée est de diffuser ces témoignages auprès du plus grand nombre, les professionnels de la filière cinéma mais aussi le grand public. C’est une façon de faire connaitre une réalité de spectateurs déficients visuels en matière de cinéma.

La première vidéo rassemble des moments choisis des interviews individuelles de la première rencontre sur la sortie cinéma.

La deuxième vidéo se concentre sur l’organisation des spectateurs déficients visuels de l’UNADEV en amont de la sortie cinéma : l’accès à l’information concernant l’actualité des films et le choix des séances, les habitudes de sortie…

Enfin, le troisième épisode issu de cette première rencontre relate l’expérience de la salle de cinéma telle qu’elle est vécue par les adhérents de l’UNADEV.

Par la suite, une deuxième rencontre a eu lieu autour des films et des versions adaptées : les adhérents, plus nombreux que lors de la première rencontre, ont été invités à parler de leurs préférences cinématographiques et de leur appréciation des versions audiodécrites des films. Là encore, des interviews ont été réalisées pour chacun d’entre eux.

Le quatrième épisode propose une compilation d’extraits de ces interviews :

Le cinquième et avant-dernier épisode traite des préférences cinématographiques des bénéficiaires de l’UNADEV ainsi que de leurs premières appréhensions de l’audiodescription.

Le sixième et dernier épisode se concentre sur les différents apports, satisfaisants ou non, de l’audiodescription. Il compile également les appréciations en direct des bénéficiaires concernant la qualité des audiodescriptions lors de leurs deux sorties cinéma.

Ces rencontres ont abouti à des séances de cinéma auxquelles les bénéficiaires de l’UNADEV ont assisté. Grâce à la participation de quelques salles de la métropole lyonnaise, ces séances étaient accessibles en audiodescription, avec une programmation et des modalités d’organisation variées. Tout cela était aussi l’occasion de tester différents types de matériels. Ces séances ont eu valeur de test afin de proposer, à plus long terme, des sorties cinéma plus régulières aux bénéficiaires de l’Unadev selon les retours de cette expérience.

 

N’hésitez pas à nous contacter via contact@cine-sens.fr

VIDÉO : De la création de la version audiodécrite d’un film à son accompagnement en salle

Dans le cadre du festival « Tous en Salle » dédié au cinéma jeune public organisé par le GRAC en février dernier, l’association Ciné Sens a eu l’occasion de participer à la séance du film Jean-Michel le caribou en accompagnant en vidéo l’intervention de Sandrine Dias, autrice de la version audiodécrite du film. Au travers d’ateliers de médiation, l’autrice revient sur le parcours du film, de l’écriture de son audiodescription à sa présentation en salle. Avec la collaboration de l’agence Tintamarre, Ciné Sens a pu réaliser ce témoignage vidéo autour du travail d’audiodescription : 

Un livret pédagogique du film à destination des professionnels et décrivant un exemple d’animation de découverte du handicap sensoriel au cinéma réalisé par le Cinéma Public Films est également disponible au téléchargement ici
 
SYNOPSIS

Marcel, le maire, décide d’interdire les histoires d’amour : ça n’engendre que des problèmes et ça rend tout le monde malheureux ! Interdire les histoires d’amour ? Jean-Michel n’est pas trop pour et sa petite amie Gisèle encore moins… Hélas, la répression commence. Nos héros décident d’entrer en résistance pour que l’amour soit à nouveau autorisé dans le village.

D’après les albums de la collection Jean-Michel le caribou, de Magali Le Huche, publiés par les éditions Actes Sud Junior.

Jean-Michel le caribou et les histoires d’amour interdites est un film d’animation distribué par Cinema Public Films.